Extrait du livre écrit par Edwige & Claude ROLAND

ARCHERS et ARBALÉTRIERS

dans le duché d'Orléans

 

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Sommaire

 1- Gens de trait du royaume de France

 2- La guerre de cent ans : Archers et arbalétriers dans le duché d'Orléans

 3- Les Compagnies dans le duché d'Orléans

 4- Le tir à l'oiseau

 5- Saint Sébastien

 6- Localisation des "Saint Sébastien" dans le Loiret

 7- Les Compagnies aujourd'hui

Gens de trait du royaume de France

 

   Au moyen âge, le tir à l'arc et à l'arbalète est une discipline qui fait partie de l'éducation des jeunes seigneurs ; mais c'est également un exercice pratiqué par de nombreux bourgeois.

   Au XIVe siècle, se créent de multiples compagnies d'archers et d'arbalétriers encouragées par la Grande Ordonnance de mars 1357, qui stipule :

 

"Tout homme en France devra être armé "

   Le 12 juillet 1367, une ordonnance de Charles V stimule encore le zèle des archers et des arbalétriers :

(1) : ancienne forme du verbe tirer.

   "Soit enjoint et commandé de par nous à tous archers et arbalestriers, demourans en nos bonnes villes, qu'ils se mettent en estat, et que par les gouverneurs, en chacune d'icelles villes, soit sçeu quel nombre d'archers et d'arbalestriers y a et combien on en pourroit avoir se besoin estoit et de ce facent registre en chaque ville [...] et, avecques ce, enjoignent et induisent tous jeunes gens à exerciter, continuer et apprendre le faict et manière de traire(1)."

   Deux ans plus tard, le trois avril 1369, le roi pour inciter à nouveau ses sujets à l'usage de l'arc et de l'arbalète, leur interdit tout autre jeu :

(2) : participe présent de traire, tirant.

   "Avons déffendu tous geux de dez, de tables, de palmes, de quilles, de palet, de soules, de billes, et tous autres tels geux, qui ne chéent point à exercer ne habiliter nos diz subgez à faict et usaige d'armes, à la déffense de nostre dict royaume sur paine de quarente sols parisis pour la première fois. Voulons au contraire et ordonnons que nos diz subgez prennent et entendent à prenre leurs geuz et esbatement à eulz exercer et habiliter en faict de traict d'arc et d'arbaleste, es biaux lieux et places convenables à ce, es villes et terrouoirs et facent dons au mieulx trians(2) et leurs festes et joies pour ce, si come bon vous semblera."

   Ces différentes ordonnances montrent bien l'intérêt tout particulier des rois de France à l'usage de ces deux armes dans leur royaume. [...]

   Parallèlement à la participation des archers et arbalétriers à la guerre, et le développement dans les villes des milices bourgeoises, existent des confréries ou corporations dont les membres s'exercent au maniement de l'arc et de l'arbalète, d'abord dans un but aussi militaire, qui s'efface assez vite pour laisser place simplement à l'exercice physique, au jeu. [...]

   Ces confréries, après l'abandon de l'arc et de l'arbalète par les armées, restent les seules structures au sein desquelles se pratique leur maniement. Elles subsistent parfois jusqu'à leur suppression par la révolution française. Néanmoins, celle-ci ne fait qu'officialiser un état de fait dans la majorité des cas. Au cours du XVIIIe siècle dans de nombreuses villes, les confréries se sont dissoutes d'elles-même, faute de participants ou parce qu'elles sont déclarées inutiles par les maires et échevins.

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La guerre de cent ans : archers et arbalétriers dans le duché d'Orléans

 

   A plusieurs reprises pendant cette longue guerre, les Anglais sont militairement présents dans le duché d'Orléans. En 1412, ils font une première tentative pour s'emparer d'Orléans, ils s'installent au portereau(1). En 1418 une autre tentative échoue elle aussi.

   La période 1421-1430 est celle qui a laissé le plus de traces dans les mémoires, et par conséquent, dans les bibliothèques. Une littérature importante y est en effet consacrée.

   En 1421, Henri V d'Angleterre est en pays chartrain. De là, il se dirige vers Pithiviers dont il s'empare, puis vers Beaugency. La résistance de cette dernière fait qu'il rencontre un échec. Les Anglais ne peuvent également pénétrer à Orléans et doivent donc se contenter d'en saccager les faubourgs.

   D'Orléans, les troupes anglaises se transportent vers Rougemont, dont elles s'emparent, puis traversent le Gâtinais en direction de Joigny.

(1) : Entrée du pont, sur la rive sud, au faubourg St Marceau d'Orléans.

(2) : Levée d'hommes pour l'armée royale.

   En 1424, un second ban(2) français est convoqué à Jargeau, tandis que les anglais s'emparent à nouveau de Pithiviers, libérée entre temps.

   Dans toutes ces opérations combattent, dans les deux camps, bon nombre d'archers et d'arbalétriers. On peut avoir une idée de l'importance des troupes de Charles VII en 1425:

   Richemont, frère du comte de Bretagne, qui se rallie cette année là à Charles VII, s'engage par traité à apporter 200 hommes d'armes et 1000 hommes de trait (9 mars 1425). Le 24 avril, deux seigneurs écossais apportent 2000 hommes d'armes et 4000 archers. Quant à Jean Stuart, connétable écossais, il présente 150 hommes d'armes et 450 archers.[...]

   Ce siècle est sans doute le dernier qui voit l'utilisation de l'arc et de l'arbalète, dans le duché comme ailleurs. En 1563, le siège d'Orléans par les catholiques, alors que la ville est occupée par les protestants, semble se faire uniquement au moyen d'armes à feu.

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Les compagnies d'arc dans le duché d'Orléans

 

 

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   Il est probable que des compagnies d'archers et d'arbalétriers se développèrent dans nombre de villes importantes et même de moyenne importance du duché.

   Pour certaines, telle Jargeau, il ne subsiste qu'un ou deux actes notariés permettant d'appréhender l'existence d'archers ou de buttes de tir.

   C'est également par brides qu'on peut saisir l'histoire des arbalétriers de Montargis ou de Phitiviers.

   Mais pour beaucoup de villes, il ne reste plus de traces de compagnies. On sait par exemple, par les comptes de la ville d'Orléans, qu'en 1441, les compagnons de Beaugency, de Meung et de Jargeau se rendent à Orléans pour une revue présidée par le Grand-Maître des arbalétriers. Meung et Beaugency ne possèdent aucun autre document permettant de retracer l'histoire d'une compagnie d'archers.

   Par contre, Orléans parce qu'elle est la ville la plus peuplée et la première du duché, mais aussi parce que les érudits du XIXe siècle se sont intéressés à ses compagnies, garde d'assez nombreuses traces de l'activité d'archers et d'arbalétriers.

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Le tir à l'oiseau

 

 

   Le tir à l'oiseau était une grande occasion de fête. Toutes les compagnies, qu'elles soient d'archers ou d'arbalétriers , et même plus tardivement d'arquebusiers, le pratiquaient, chacune avec son arme propre.

   Cette fête qui avait lieu au mois de mai, commençait par une "montre" générale, défilé solennel à travers la ville. nul confrère n'avait le doit d'être absent, sauf excuse particulièrement valable. Toute la compagnie se dirigeait ensuite vers le lieu de tir, souvent une fortification. L'oiseau était fixé à la pointe d'une perche, cette dernière elle-même placée sur un emplacement élevé, tour ou toit. Chaque confrère tirait à son tour une seule fois. Le premier à abattre l'oiseau était déclaré Roi de l'année.

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   Le tir à l'oiseau était donc une occasion pour la compagnie, d'abord de se réunir solennellement, puis de faire la fête. C'est un tir traditionnel qui a lieu dès les premiers temps des compagnies de tir et qui continue d'exister à travers les siècles, jusqu'à leur disparition, sans que sa forme ou son contenu soient altérés. Ce tir est un des rares qui ait survécu à la révolution et constitue ainsi un véritable fil conducteur pour l'histoire du tir et des tireurs.

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Saint Sébastien

 

   Le Saint Patron dont se réclament en permanence les archers et arbalétriers est Saint Sébastien. Sa fête était l'occasion de messes ; des confréries furent crées en son honneur, en l'église Saint Eloy à Orléans, à Saint Salomon de Pithiviers.

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   Saint Sébastien est né en Gaule, à Narbonne. Il fut élevé à Milan et promu au grade de centurion de la première cohorte sous le règne de Dioclétien (284-305).

   Dénoncé pour avoir exhorté ses jeunes amis Marc et Marcelin à rester fermes dans leur foi chrétienne, il fut, sur l'ordre de Dioclétien, attaché à un poteau au milieu du Champ de Mars, et servit de cible vivante à des archers qui le lardèrent de flèches "ut quasi hericuis videretur" (au point qu'il ressemblait à un hérisson).

   Mais contrairement à une croyance très répandue et compréhensible, il ne meurt pas. Une chrétienne, la veuve Irène, voulant l'enterrer, s'aperçoit qu'il respire encore et le sauve.

   Après sa guérison, il reparaît devant Dioclétien pour lui reprocher sa cruauté envers les chrétiens. Il est alors flagellé, assommé dans le cirque et son cadavre est jeté dans la "cloaca maxima" (le grand égout de Rome).

   Il apparaît à Sainte Lucile dans son sommeil pour lui révéler l'emplacement où son corps a été rejeté, et lui demande de l'ensevelir dans les catacombes auprès des restes des apôtres.

   Saint Sébastien est considéré après Saint Pierre et Saint Paul comme le troisième Saint de Rome. Un fragment de son crâne se trouve depuis le IXe siècle à l'église des quatre Saints couronnés sur le Caelius (une des sept collines de Rome).

   Parce que les pointes de flèches sont en fer et parce qu'il est le troisième Saint de Rome, Saint Sébastien est aussi le Saint Patron des tapissiers et des marchands de ferraille, mais aussi de très nombreuses professions qui utilisent des outils en fer.

   Il fut surtout vénéré au Moyen-Âge en qualité de principal Saint antipesteux. On croyait en lui pour arrêter les épidémies de peste parce que celle-ci, de manière imagée, frappait comme des flèches. Son culte perdit de sa force avec la fin des grandes épidémies.

   Mais à cause de son supplice, Saint Sébastien fut et reste le Saint Patron des Archers et des Arbalétriers.

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Localisation des "saint Sébastien" dans le Loiret

 

   Les représentations de Saint Sébastien sont relativement nombreuses et récentes dans le Loiret. On dénombre plus précisément 25 statues, 8 peintures, 3 éléments décoratifs divers de reliquaires, 1 fresque et 1 vitrail. La plupart sont dues aux vignerons qui invoquent la protection de Saint Sébastien pour leurs vignes.

   La statue conservée au musée archéologique d'Orléans, provenant de l'église Saint Eloy est la seule qu'on peut probablement attribuer aux archers. C'est en effet dans cette église que se réunissait la confrérie des archers d'Orléans.

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   Une grande partie des représentations de Saint Sébastien se trouve dans les églises des villes et villages cités. Néanmoins, la statue de l'église Saint Eloy d'Orléans se trouve au musée archéologique de la ville. Une des statues de Malesherbes se trouve dans le presbytère, l'autre dans la chapelle du château de Rouville.

   Orléans, Lailly en Val et Malesherbes présentent deux représentations de Saint Sébastien dont une châsse à Orléans et un vitrail à Lailly en val.

   La statue de Ferrière en Gâtinais, située dans l'église Notre Dame de Béthleem, est dite de Saint Jacques. Mais ses caractéristiques sont celles d'une représentation de Saint Sébastien. Elle est d'ailleurs relativement semblable à celle située à Messas.

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Les Compagnies Aujourd'hui

 

 

   Toutes les compagnies du duché disparurent donc au XVIIIe siècle, avant même leur suppression par la révolution.

   Il fallut donc deux siècles pour voir renaître dans ce qui était désormais le département du Loiret, cette tradition pourtant si ancienne du tir à l'arc.

   Voici les compagnies que le département à vu naître depuis 1972 :

 

 

 

Amilly

A.S. Fleury Les Aubrais-Saran (A.S.F.A.S.)

B.R.G.M.

Etoile Balgentienne, ville de Beaugency

Beaune la Rolande

Bellegarde

Ferrières

Ingré

La Ferté Saint Aubin

Neuville aux Bois

Orléans Première Compagnie d'Arc

Ouzouer sur Loire

Pannes

Pers en Gatinais

Les Chardons, ville de Pithiviers

Les Archers du val d'or, ville de Sigloy

Saint Denis de l'Hotel

Les archers de la S.M.O.C., ville de Saint Jean de Braye

Saint Jean de la Ruelle

St Jean le Blanc

Les Archers du Sullias, ville de Sully sur Loire

Les Archers de Lancelot du Lac, ville de Trainou

 

 

Les illustrations sont tirées de Viollet-le-Duc : Dictionnaire d'ameublement et dictionnaire d'architecture.

La photo du Saint Sébastien de Messas est un cliché des archives départementales.

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